Le livre jeunesse « Ernest et Célestine » adapté avec brio en film d’animation

Image extraite du film Ernest et Célestine.
© 2012 STUDIOCANAL

À peine sorti des bancs de l’école, Benjamin Renner se voit confier la réalisation du long métrage Ernest et Célestine. Il nous raconte cette aventure inattendue.

Comment ce projet a-t-il débuté pour vous ? Qu’est-ce qui vous a particulièrement séduit dans l’univers créé par Gabrielle Vincent ?

À l’époque où Didier Brunner montait le projet d’ERNEST ET CÉLESTINE, en 2008, il a contacté mon école d’animation, La Poudrière, en expliquant qu’il recherchait des gens pour travailler sur son film. La directrice lui a parlé de moi, et quand j’ai rencontré Didier, il m’a présenté les livres de Gabrielle Vincent, que je ne connaissais pas, et m’a d’abord proposé de travailler sur le développement graphique du projet. J’ai accepté car cela correspondait exactement à ce que je souhaitais faire en sortant de l’école : travailler sur un dessin très épuré, minimaliste mais juste. Je voulais traduire des émotions et des sentiments en quelques traits, et suggérer les mouvements par une animation subtile.

Petit à petit, vous en êtes venu à réaliser le film. Comment cette transition s’est-elle opérée ?

Pendant que je travaillais sur le développement graphique, Daniel Pennac, l’écrivain qui est aussi le scénariste du film, avait déjà avancé sur une première version du script. J’ai commencé à travailler parallèlement sur le storyboard du « pilote » du film. Plus tard, quand on m’a proposé de réaliser ERNEST ET CÉLESTINE, j’ai été assez inquiet, car je n’avais jamais imaginé réaliser un long métrage dès la sortie de l’école, sans être déjà passé par une expérience de cinéma. J’étais effrayé par les lourdes responsabilités qui allaient reposer sur mes épaules. Autant j’étais très confiant et très clair dans ma tête sur la direction artistique à donner au projet, autant la relation avec le script, la narration, la mise en scène et le jeu des acteurs me semblait des responsabilités passionnantes mais très impressionnantes. Beaucoup de gens se sont étonnés de ma réticence, mais j’étais conscient du fait que réaliser signifiait que je serais responsable du bon emploi du budget, que je devrais diriger une équipe de 40 personnes et prendre des décisions qui auraient des répercussions bonnes ou mauvaises sur la production…

Qu’est-ce qui vous a incité à « sauter le pas » ?

J’ai demandé à Didier Brunner de me donner des co-réalisateurs expérimentés pour que je puisse m’appuyer sur eux, et leur demander des conseils quand j’en avais besoin. Didier m’a proposé le duo Pic Pic et André, c’est à dire Vincent Patar et Stéphane Aubier, qui venaient de réaliser le long métrage d’animation de figurines PANIQUE AU VILLAGE, d’après leur série éponyme. J’étais un peu perplexe, car leur technique particulière est différente de celle du dessin animé, mais dès que nous avons travaillé ensemble, le courant est très bien passé. Nous avons pu nous lancer immédiatement dans l’adaptation du script, et dans la mise en scène du scénario.

Les poses des personnages sont remarquablement réussies dans les albums. Elles sont justes et émouvantes sans jamais tomber dans les clichés du « mignon ». Vous êtes-vous beaucoup référé à ces attitudes des personnages des albums en abordant l’animation de certaines scènes ?

Oui. De nombreuses poses sont directement inspirées de celles des livres. Nous avons également respecté la mise en image très théâtrale des albums. On n’y voit jamais de plongées ni de contre-plongées, de gros plans ni d’effets dramatiques. Gabrielle Vincent focalisait tout sur les personnages et leurs poses. Le dynamisme de la mise en scène du film est apporté par les actions des personnages, par leur animation et par la composition des décors. Beaucoup de scènes rendent hommage aux albums.

Vous venez d’expliquer comment vous avez abordé la mise en scène du film, mais aviez-vous certaines références en tête ? Par certains aspects (la grande silhouette protectrice d’Ernest à côté de la petite Célestine, la cohabitation de deux mondes) on songe parfois à « MON VOISIN TOTORO » de Miyasaki

Je suis extrêmement attentif aux films d’animation japonais, et plus largement au cinéma nippon de prises de vues réelles. Tous les Miyasaki ont servi de référence : TOTORO, KIKI LA PETITE SORCIÈRE dont l’héroïne est, comme Célestine, un peu perdue au milieu de la ville… J’ai également été influencé par L’ÉTÉ DE KIKUJIRO de Takeshi Kitano, qui m’a servi de déclic pour appréhender les rapports entre Ernest et Célestine. Le personnage que joue Kitano dans ce film est un adulte qui est resté un peu puéril, et qui se retrouve avec un enfant sur les bras sans savoir comment s’en occuper… J’ajoute que j’ai aussi été influencé par les films d’animation de mon enfance, les courts métrages de Disney ou même les films que René Goscinny a produits lui-même, comme LES DOUZE TRAVAUX D’ASTÉRIX et LA BALLADE DES DALTONS. Ces films m’avaient touché par leur liberté narrative.

Quelles ont été les scènes les plus difficiles à réaliser et pourquoi ?

Sans hésiter celle de la rencontre entre Ernest et Célestine. En plus d’être une scène clé du film, nous avions là un problème tout simple : si Célestine gardait la taille qu’elle a dans les livres, elle devenait trop grosse pour qu’Ernest puisse n’en faire qu’une bouchée ! (rires) En y réfléchissant bien, nous n’avons pas réussi à trouver une taille unique qui fonctionne tout au long du film. Nous avons donc décidé de la faire grandir tout au long du récit : elle est petite quand elle est encore une souris, puis elle prend peu à peu une taille d’enfant quand elle acquiert ce statut d’enfant auprès d’Ernest.

Comment Lambert Wilson a-t-il trouvé cette voix qui exprime si bien le côté enfantin, gourmand, et un peu ronchon d’Ernest ?

Au début, nous avions du mal à imaginer la voix d’Ernest, car les grosses voix « classiques » d’ours ne correspondaient pas au côté très dynamique du personnage dans le film. Lambert a trouvé cette voix naturellement. Il est capable de jouer des rôles dans des registres incroyablement variés, comme il l’a prouvé dans DES HOMMES ET DES DIEUX ou la saga MATRIX, et comme il le prouve une fois de plus dans ERNEST ET CÉLESTINE. J’ai été étonné de le voir bouger autant et mimer des gestes pendant l’enregistrement : il jouait pleinement le personnage.

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© Propos recueillis par Pascal Pinteau 2012 STUDIOCANAL

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