« Sunny et l’éléphant », un film militant sur le sort des éléphants en Thaïlande

Affiche du film Sunny et l'éléphant.
© 2008 MC4 - StudioCanal - France 2 Cinéma - Les Productions Jean-Marc Henchoz SA

L’écrivain et auteur Frédéric Lepage nous parle de la réalisation du film militant et familial Sunny et l’éléphant.

« SUNNY ET L’ÉLÉPHANT » cristallise tous les thèmes que vous aimez en leur ajoutant une nouvelle dimension. Comment ce film est-il né ?

Je suis quelqu’un qui a des idées et souhaite les partager, mais je ne suis pas viscéralement habité par l’idée de faire du cinéma. Une belle histoire est une belle histoire. Il y a mille façons de la raconter, et on peut choisir un stylo ou une caméra pour le faire. Je voulais raconter une histoire qui me tenait à cœur parce qu’elle se passe dans une partie du monde que j’aime, qu’elle implique une philosophie de spiritualité qui me plaît et des personnages attachants. Tout a commencé lorsque Jean-Pierre Bailly, producteur réputé et ami, m’a parlé de l’attirance du public pour des sujets abordant le lien entre la nature et l’homme. Il a produit LE DERNIER TRAPPEUR et il sait de quoi il parle. Je lui ai raconté mon histoire, qu’il a tout de suite aimée. Il l’a proposée à Studio Canal, qui a accepté. Compte tenu de mon inexpérience, Olivier Horlait a mis en scène avec moi le film. Olivier aux commandes et Patrick Blossier – sans doute l’un des meilleurs opérateurs du monde – m’ont apporté leur talent.

Votre film aborde et allie plusieurs thèmes comme l’écologie, le parcours humain ou la spiritualité…

Le film se déroule sur deux plans. Au premier plan, on trouve Sunny, un adolescent qui rêve de devenir le cornac d’une éléphante qui s’appelle Dara. Un homme, un éléphant, la paire ne peut pas être dissociée parce que l’éléphant connaît tout de son maître et réciproquement. C’est un couple formé pour la vie. Le vieux maître de Sunny s’y oppose parce que, selon la tradition, il faut faire partie d’un groupe ethnique – les Karen, un peuple venu d’Indonésie – pour pouvoir devenir cornac. Sunny est un orphelin de la ville et il va devoir se battre pour réaliser son rêve. C’est l’histoire essentielle. En arrière-plan, le propos est plus large. Autrefois, les éléphants travaillaient avec leurs cornacs dans les exploitations forestières de teck. Les engins motorisés les ont rendus obsolètes et tous ces gens et leurs animaux se sont retrouvés chassés des forêts où ils étaient nés. Ils ont été mis au chômage et remplacés par des machines rutilantes qui n’ont pas besoin de vétérinaires et peuvent travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Ces gens désemparés migrent vers les grandes villes pour tenter d’apitoyer les touristes. En échange de quelques baths, les visiteurs peuvent nourrir les éléphants et se faire photographier avec eux. C’est une condition dégradante qui s’ajoute au fait que la ville est un enfer pour eux. Ces hommes et ces éléphants n’ont malheureusement pas d’autre choix. Un jour, un vétérinaire rencontré Bangkok m’a dit que son rêve serait de reconvertir ces éléphants en rangers qui, accompagnés de leur cornac, iraient protéger les parcs nationaux. Cette formidable idée m’a inspiré le sujet du film. Parallèlement à l’histoire de ces personnages égarés dans un monde qui va trop vite pour eux, on suit le destin de Sunny et son combat pour atteindre son rêve.

Comment avez-vous découvert cette région, et pourquoi les éléphants ont-ils tant d’importance pour vous ?

J’ai découvert la Thaïlande presque par hasard. À l’époque, je travaillais sur mes documentaires en Australie et je devais fréquemment m’y rendre. C’est un voyage exténuant, surtout la répétition. Un jour, on m’a conseillé de le couper en deux en faisant une étape Bangkok. C’est ainsi que j’ai vraiment commencé à découvrir le pays. Je souhaitais une histoire avec ces éléphants parce qu’ils sont un symbole. L’éléphant, le plus gros mammifère terrestre, est un animal d’une noblesse extraordinaire. L’Inde aurait pu servir de cadre à cette histoire, mais les paysages et la spiritualité d’Asie du Sud-Est me paraissaient davantage de nature à toucher le spectateur européen parce que l’on pouvait aussi y introduire beaucoup de drôlerie et d’insolite. Je connais bien la Thaïlande, où je réside une partie de mon temps, et plus précisément la partie nord près de la frontière birmane, entre Chiang Mai et Chiang Rai. Le peuple thaï est infiniment attachant. Sa religion est un bouddhisme qui estime que la religion doit servir l’homme, et non l’inverse. C’est une religion qui tolère très bien que se juxtaposent des superstitions ou des croyances qui peuvent aider l’homme.

Le film est essentiellement tourné en décors naturels et en extérieur. Quels ont été les défis logistiques ?

Les Thaïs vivent dans un monde peuplé d’esprits (l’esprit des arbres, l’esprit de la forêt, l’esprit des morts qui reste pour voir ce qui se passe). Il y a donc ce côté un peu magique, presque des histoires de fantômes, qui s’ajoute à la beauté de ce bouddhisme persuadé que la vie ne s’arrête jamais. Cette idée, au cœur du film, marque une différence de mentalité peut-être liée à la religion. Sunny, l’Asiatique bouddhiste, dit Nicolas, l’Occidental sans doute chrétien ou agnostique, qu’il ne comprend pas pourquoi lui, vétérinaire, essaie d’aider les éléphants et d’améliorer la nature. Les bouddhistes savent qu’il est de leur responsabilité d’améliorer le monde car ils y reviendront après leur mort pour leurs vies suivantes. Mais quelle peut être la motivation de quelqu’un qui ne croit pas à son retour après sa mort ? Le film est un peu construit autour de ce mystérieux décalage entre la relation que l’homme entretient avec la nature dans le bouddhisme ou chez nous.

Nous avons construit le camp où cornac et éléphants se reconvertissent en rangers au bord de cette merveilleuse rivière dans la vallée, dans un environnement à ciel ouvert. Les rues chaudes de Bangkok ont été reconstituées dans une petite ville du nord de la Thaïlande, mais nous n’étions jamais dans des conditions artificielles. S’il pleuvait, il pleuvait. Il n’y a aucune image de synthèse. Tout est authentique. La logistique était complexe mais le plus extraordinaire a été de réunir de nombreux éléphants dans Bangkok, ce qui est normalement interdit. Ceux qu’on y voit d’ordinaire sont de pauvres parias chassés par la police. Nous avons été soutenus par les autorités, et le gouverneur de la ville nous a fourni toutes les autorisations.

Vous abordez également le trafic des animaux…

Même si ce n’est pas le cœur du film, c’est en effet un sujet qui n’est pas anodin. Il est répandu partout dans le monde, générant un marché illégal proche des vingt milliards de dollars. La Thaïlande n’en est pas le point nodal. Les autorités luttent autant qu’elles le peuvent contre ce trafic alimenté principalement par deux pays que j’aime aussi, la Chine et le Japon.

Qu’espérez-vous apporter au public ?

Cette histoire parle de notre planète, de rêves que nous avons tous sous une forme ou une autre, et de combats qu’il faut mener dans une vie. J’ai été profondément marqué par la phrase de Cousteau qui dit « On protège ce que l’on aime et on aime ce que l’on comprend ». Ce film fait partie des éléments qui veulent faire comprendre aux gens ce qui se passe. C’est un film populaire et familial, transgénérationnel et transculturel. Il offre plusieurs niveaux de lecture, plusieurs discours et, derrière tout ce qui semble très simple, souriant, amusant, grands parents, parents et enfants peuvent tous trouver matière discussion.

Si vous deviez garder un seul souvenir de cette aventure, quel serait-il ?

Le plaisir a été de découvrir les gens qui font du cinéma. C’est un bonheur magnifique. L’ensemble du tournage a été une telle aventure qu’il est difficile d’en détacher un moment particulier, mais je n’oublierai pas la joie des acteurs quand ils ont réalisé, au début du stage d’entraînement, qu’ils allaient vivre avec des éléphants. Voir ces duos homme/éléphant se former était vraiment bouleversant.

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